Latte, Vintimille, Parme puis Bologne, mardi 7 octobre

Le lendemain, après avoir admiré le panorama qu’Aurore nous étalait, notre estomac nous mît en jambe jusqu’au premier bourg où nous pûmes inaugurer un régime original, basé sur l’ingestion de produits laitiers et de yaourts aux fruits. Nous en avons essayé une grande variété à travers l’Europe.

Arrivés à Vintimille, nous allâmes à la rencontre d’amis, Claudio et sa fille Sara. Il nous accueillirent fort cordialement, nous donnant de leurs nouvelles et nous invitant à utiliser le chemin de fer pour nous rendre à Parme, notre première destination péninsulaire. Décidé à n’en faire qu’à notre tête, nous essayions encore notre moyen favori, avec le même succès. Découragés, nous retournons dîner chez Claudio. Sara est une jeune fille fort agréable qui étudie les sciences culinaires et qui nous régalait de ses fameuses pâtes. Nous avons eu l’honneur de lui en faire nos compliments. Finalement ralliés aux conseils avisés de cette famille nous décidons de nous rendre à l’embarcadère, après un dernier bain dans la mare nostrum. Mon compagnon de voyage était atteint d’une sorte de prurit qui lui donnait des démangeaisons sur tout le corps. Sa médecine empirique lui conseillait de prendre régulièrement des bains de mer. Il louait le sel, agissant sur sa peau comme un baume sacré. Je vous détaillerai plus tard les suites de cette maladie.

Nous étions informés de l’absence de Luca, notre ami parmesan, raison pour laquelle nous ne nous arrêtons que brièvement à Parme, ne nous laissant que le temps de dévorer une appétissante pizza. Et de partir sur le champ à Bologne. L’étincelle de notre périple semblait avoir du mal à s’enflammer, car le deuxième soir tombait sans que nous eussions pu avancer dans nos projets. Pour nous assommer davantage, le hasard avait écarté tous les étudiants de Bologne : la première ville universitaire au monde était déserte. Découvrant toutes les richesses de cette ville, nous déambulions, chargés que nous étions. Nous en vînmes à prendre le parti de dormir dans la rue. Pour ceux qui méconnaissent cette superbe cité, notez que les rues bolognaise sont toutes bordées de part et d’autre de rangées interminables d’arcades. Il n’y a pas un immeuble qui ne soit entouré d’un péristyle à l’italienne. Nous dormîmes dans la rue mais sous le toit séculaire des ogives. La nuit, bon nombre de pauvres, d’étudiants, de voyageurs et de noctambules n’hésitent pas à venir embrasser le sommeil sous ces arcades bienveillantes. Je feuilletais les pages de mon volume, c’est alors que des doutes me vinrent sur la véritable origine de mon camarade : « Il y a en Italie plus d’une ville où l’on peut se procurer tous les plaisirs sensuels que l’on trouve à Bologne ; mais on ne les obtient nulle part ni à si bon marché, ni si facilement, ni si librement. Outre cela, on y vit très bien, on s’y promène à l’ombre sous de belles arcades et on y trouve de l’esprit et de la science. Il est grand dommage que, par l’effet de l’air, ou de l’eau, ou du vin, car la chose n’est point sûre, on y contracte une légère gale, mais pour les Bolonais, loin que ce soit là un désagrément, c’est au contraire un avantage qu’ils paraissent affectionner : on s’y gratte. Les dames surtout, dans la saison du printemps, y remuent les doigts avec beaucoup de grâce. »



T.II, p. 812

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