Pastviny, Usti nad Orlici, 28 8bre, sous les capes, la gaité

Au réveil, nous nous promenâmes tous les quatre au bord du lac de Pastviny. À la vue de quelques bateaux amarrés non loin de là, l’idée nous vînt de profiter de l’onde en naviguant. Après avoir convaincu tout le monde, engagés sur le ponton, nous sautons sur l’embarcation, nous larguons les amarres, et nous voilà au large. Nous autres en charge des manœuvres, Rémi et Petra profitaient des sièges à la proue pour se reposer et engager des conversations passionnantes. Le bonheur fut complet quand une autre chaloupe vint troubler le calme platonique de cette petite mer. Les matelots étaient amis de mon frère. Après discussion, ils soulagèrent les consciences en nous assurant qu’il n’y avait pas de mal à emprunter les petits gréements pendant cette morte saison.

Rémi nous avait convié à une petite séance d’enseignement de la langue française avec de jeunes Tchèques. Arrivés à destination, il nous présente ses trois élèves du jour. Après les présentations d’usage, nous engageâmes des controverses variées et assez drôles, notamment sur les relations familiales de Rémi avec moi. Puis, ce fût l’heure de la dictée où les élèves jouaient aussi bien leurs rôles que moi celui de l’enseignant à jabot. Sous les capes, la gaité : nous n’en finissions plus de rire.

Nous soupâmes dans l’intimité, très attentifs aux renseignements que Petra nous donnait sur sa nouvelle conversion. « Comme je savais qu’elle n’était ni fausse ni hypocrite, je vis bien que la dévotion la dominait ; mais je savais à quoi m’en tenir et que sa résistance ne pouvait durer longtemps. » Cette divine hôtesse tchèque avait embrassé depuis plus de deux mois la religion Krishna. Cette confession d’origine indienne est plus intéressante qu’elle n’y paraît. Le vulgaire, souvent, dans les rues et les quartiers, observe cette sorte de témoins de Jehova orientaux à moitié rasés, perroquets vêtus de couleurs chaudes. La rencontre avec une adepte nous a permis d’en avoir un regard différent. C’est une religion dont la pratique est très exigeante sur beaucoup de points. Une grande vénération de la vie proscrit aux fidèles de manger un quelconque animal. Il en est de même pour les berceaux de la vie, comme les œufs ou les oignons. L’acte sexuel est réservé à la procréation par un rythme mensuel. Les excitants sont aussi écartés : alcool, tabac, café, thé, chocolat. Enfin, le lait délectable est vénéré, comme la vache, animal sacré par excellence en Inde. La divinité suprême est Krishna, beau dieu bleu, accompagné de Rama. L’espoir de se réincarner auprès de lui après cette mort incite ces religionnaires à s’incliner dans une grande piété qui leur fait débiter des chapelets pendant près de deux heures par jour. La grande prière se dit et se chante en sanskrit :

Hare Krishna
Hare Krishna
Krishna Krishna
Hare hare

Hare Rama
Hare Rama
Rama Rama
Hare hare



T.III p. 683

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