Vienne, nous nous réveillâmes un mercredi

Nous nous réveillâmes un mercredi. La maladie de mon ami touchait son comble : « Je trouvai un homme peu ragoûtant, car il était couvert d’une espèce de lèpre ; mais cela ne l’empêchait ni de bien manger, ni d’écrire, ni de faire parfaitement toutes les fonctions physiques et intellectuelles ; il causait bien et avec beaucoup de gaîté. » Quant à moi, j’étais aussi affaibli par la drille qui me suivait depuis l’Emilie ; nous profitâmes donc de ce premier jour pour reprendre des forces. Julia nous avait laissé sa chambre et dormait au salon. Leur logis était tout ce qu’il y avait de plus coquet. Elles l’avaient investit peu de temps auparavant. Les travaux d’installation avançaient. Proche du centre, l’arrondissement funf regorge de commerces en tout genre : un marché commun, un Turc qui vend du bon pain et un petit maraîcher. Marlene, soumise à un régime sévère, ne mange pas de condiment à base d’autre céréale que d’épeautre. Pauvre Carinthienne ! Vous ai-je raconté que nous avions prévu de passer par Villach, ville d’enfance de Marlene, à la frontalière italo-slovène. Notre route nous en avait écarté. Pour consolation, nous rencontrâmes ses parents venus lui rendre visite.

Prêts à faire une mixture qui régalerait notre hôtesse, mon lépreux entreprît un risotto, et m’envoya chercher des ingrédients très précis. Nous avions préparé quelques jeux, et par conséquent endossé nos vêtements d’époque. Quelle surprise pour le marchand turc qui me vit arriver costumé, avec à la main un verre de cristal rempli d’un vin autrichien délectable. Quand je lui demandais, avec mon allemand schismatique, s’il avait des raisins secs, le spectacle commençait dans sa boutique. Malgré l’heure tardive, le public ne manquait pas.

Nous attendions un invité autrichien et son épouse argentine. Mon ami se réjouissait à l’idée de feindre sur sa nationalité. Ce caméléon y parvint sans effort, et j’en ris encore aujourd’hui. Voyez que jusqu’à cette soirée, notre latin fut l’espagnol. Si nous l’avons encore utilisé avec Mark, que je vous présenterai plus loin,  nous concluions une période d’utilisation du castillan.

À Vienne, j’essayais vainement de parler allemand ; au-delà du Danube, c’est l’anglais qui nous sauvait. Nous n’avons pas eu la chance de partager autant avec Julia qu’avec Marlene, car elle travaillait intensément la semaine où nous nous sommes établis dans la capitale impériale. Ce soir-là, elle rentrait à cinq heures du matin pour repartir étudier à l’aube. Quelle santé !


T.I, p. 29

2 commentaires:

  1. Quel périple passionnant... et ces prénoms qui me sont familiers d'une certaine façon font que je m'interroge ...?

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  2. Quel courage en tout cas ^^

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